DAME BÉRANGÈRE
Ici nous sommes mieux. Causons.
Je suis, à vrai dire, indignée
Par ce sot Prince qui n’a pas daigné
Paraître au bal ! C’est de la déraison.
SIEUR THIBAULT
Pourquoi l’aurait-il fait ?
Il a trouvé cette fille à son goût,
Et l’a suivie partout.
DAME BÉRANGÈRE
Et pendant tout le bal ! C’est bien là son forfait.
C’est un affront intolérable
Envers toutes le demoiselles
Venues lui présenter leurs saluts adorables.
Je suis dans tous mes états ! Je chancelle,
Quand je pense qu’Agathe et Félicie
N’ont pas eu le loisir d’être à lui présentées.
Les deux pauvres chéries.
SIEUR THIBAULT
Calmez votre impétuosité.
Vous me parlez trop haut et je les vois d’ici
Le Prince et sa jeune beauté
Tous les deux sur ce banc assis
Près de la fontaine, voyez.
DAME BÉRANGÈRE
Il est vrai ce sont eux. Mais que c’est donc curieux
Plus je la vois et plus cette jeune personne
Me rappelle quelqu’un. Et mieux, ce qui m’étonne,
Quelqu’un de familier. Voilà bien mystérieux.
SIEUR THIBAULT
Mais c’est vrai. Charmante d’ailleurs,
Beaucoup de grâce de douceur.
DAME BÉRANGÈRE
Je voudrais présenter mes deux filles au Prince
Cependant. Car enfin il peut changer d’avis.
SIEUR THIBAULT
Mais jamais de la vie !
Si le Grand-Duc vous pince...
Nul ne doit les troubler de part l’ordre du Roy !
DAME BÉRANGÈRE
Eh, je le prends, le droit !
Je sais ce que je fais mon cher.
Allez donc me chercher mes filles.
Où sont-elles ?
SIEUR THIBAULT
Au buffet, c’est leur point de repère.
DAME BÉRANGÈRE
Comme elles sont gentilles
Courrez-y.
SIEUR THIBAULT
Mais m’amour !
DAME BÉRANGÈRE
Allez, je suis ici.
SIEUR THIBAULT
Et faites ce qu’il vous plaira
Mais sachez que je n’en suis pas.
(il sort)
DAME BÉRANGÈRE
Ils sont toujours assis.
A qui ressemble donc cette jeune princesse ?
Je ne vois vraiment pas. Ce doit être une idée.
Tiens, le Grand Chambellan vient pour les aborder.
Il les salue. Ah mais serait-ce
Le moment ? Le Prince s’éloigne
Avec le Duc. Non, il revient.
Ah, Ciel c’est donc sérieux : il lui baise les mains !
Il s’en va. Il est seul. Agissons. De la poigne.
Mais que font donc mes filles ?
Les voilà. Ah mais non : ce sont les joyeux drilles.